Chaque jour, des milliers d’enfants en Guinée bravent des routes dangereuses pour se rendre à l’école, exposés à des risques d’accidents graves. Entre motos-taxis surchargés, absence d’infrastructures adaptées et comportements imprudents des conducteurs, leur sécurité est loin d’être garantie. Mamadou Oury SIDIBÉ, spécialiste en assistance sociale et gestionnaire de services de santé, tire la sonnette d’alarme. Dans cet entretien avec notre rédaction Bloomgn.com, il met en lumière les causes de ce problème et propose des solutions concrètes pour protéger nos enfants.
Monsieur SIDIBÉ, la sécurité des enfants sur le chemin de l’école est une préoccupation majeure. Pourquoi ce sujet vous interpelle-t-il particulièrement ?
Mamadou Oury SIDIBÉ : La sécurité des enfants est un enjeu de société. Chaque jour, nous voyons des élèves exposés à des risques énormes, que ce soit en empruntant des motos-taxis surchargés ou en traversant des routes sans surveillance. Ces pratiques mettent leur vie en danger, et pourtant, elles sont devenues courantes à Conakry et dans les zones rurales.
Quels sont, selon vous, les principaux dangers auxquels ces enfants sont confrontés ?
SIDIBÉ : Deux problèmes majeurs ressortent. Le premier, c’est le transport en surnombre sur des motos-taxis. Vous avez parfois jusqu’à cinq enfants sur une moto, sans casque, sans retenue, ce qui est extrêmement dangereux. Le deuxième problème, c’est la traversée des routes. Beaucoup d’enfants, souvent très jeunes, se retrouvent seuls face à des véhicules qui roulent à vive allure, sans aucune considération pour les piétons.
Pourquoi ces pratiques sont-elles si répandues malgré les risques évidents ?
SIDIBÉ : Plusieurs facteurs expliquent cette situation. D’une part, les parents n’ont pas toujours les moyens de payer un transport plus sécurisé. D’autre part, les infrastructures routières sont insuffisantes et les services de transport scolaire, presque inexistants. Enfin, il y a un manque de sensibilisation sur l’importance de la sécurité des enfants dans la circulation.
Monsieur SIDIBÉ, selon vous, quel rôle l'État doit-il jouer pour garantir la sécurité des enfants sur leur trajet scolaire ?
Mamadou Oury SIDIBÉ : L'État a une responsabilité fondamentale dans la prévention des accidents et la sécurisation des trajets scolaires. Tout d'abord, les efforts actuels pour installer des passerelles piétonnes sur les principales autoroutes de Conakry doivent s'intensifier. Ces infrastructures sont essentielles pour réduire les risques lors de la traversée des routes.
Ensuite, l'entretien et la réparation des infrastructures routières existantes sont prioritaires. Il est regrettable de constater que dans de nombreux endroits, les panneaux signalant la présence d’écoles ou les passages piétons ont disparu, tout comme les marquages au sol. Cela met en danger aussi bien les enfants que les conducteurs.
Quelles autres mesures pourraient être prises pour renforcer la sécurité routière ?
SIDIBÉ : Il est crucial d'installer des ralentisseurs et des feux tricolores à proximité des écoles. Ces dispositifs obligent les conducteurs à réduire leur vitesse et à rester vigilants. En parallèle, des campagnes de sensibilisation sur le respect du code de la route, notamment concernant les piétons, doivent être menées régulièrement.
En dehors des infrastructures, quel impact une meilleure qualité de l’enseignement public pourrait-elle avoir ?
SIDIBÉ : La construction d’écoles publiques modernes et accessibles réduirait les longs trajets que les enfants doivent parcourir. Actuellement, de nombreux parents se tournent vers des écoles privées éloignées, augmentant ainsi les risques sur la route. En offrant une éducation de qualité dans les écoles publiques, l’État allégerait également les charges financières liées aux frais de transport et de scolarité.
Pensez-vous que les citoyens peuvent aussi jouer un rôle dans cette lutte pour la sécurité ?
SIDIBÉ : Absolument. Chaque citoyen peut contribuer en portant assistance à un enfant en danger sur la route, en sensibilisant son entourage et en respectant les règles de sécurité routière. Protéger les enfants est une responsabilité collective.
Quelles solutions préconisez-vous pour remédier à ces dangers ?
SIDIBÉ : La responsabilité est collective, et les solutions doivent être adaptées à chaque acteur.
Pour les parents: je conseille de prioriser la sécurité dans le choix des écoles et d’éviter les surcharges sur les motos. Ils doivent aussi accompagner leurs enfants lors des trajets à risque et encourager le covoiturage avec d’autres familles.
Pour les écoles: elles devraient mettre en place des services de bus scolaires accessibles et affecter des agents aux passages piétons proches. La sensibilisation à la sécurité routière doit aussi être renforcée.
Aux conducteurs: je rappelle l’importance du respect du code de la route, notamment la priorité aux piétons, et d’adopter une conduite prudente, surtout aux abords des écoles.
L’État doit agir en priorité sur les infrastructures : construire davantage de passerelles, réparer les routes et renforcer la signalisation aux abords des écoles. Les contrôles routiers doivent être intensifiés pour sanctionner les comportements dangereux. Il faut également investir dans des écoles publiques de qualité pour limiter les trajets des enfants vers des établissements éloignés. Enfin, le développement de services de transport scolaire sécurisés est essentiel.
Un dernier mot pour conclure ?
SIDIBÉ : L’État doit promouvoir activement les services de transport scolaire adaptés, sécurisés et accessibles pour les enfants. Cela passe par des investissements dans des bus scolaires et des réglementations strictes pour assurer leur sécurité. C’est un enjeu stratégique pour protéger nos enfants et garantir leur avenir. Nous devons agir maintenant pour éviter que d’autres vies soient brisées par des accidents évitables. Ensemble, en tant que parents, enseignants, conducteurs et citoyens, nous pouvons créer un environnement plus sûr pour nos enfants. C’est un devoir envers les générations futures.
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