Alors que le ministère de l’Éducation nationale et de l’Alphabétisation envisage une réforme majeure visant à supprimer le Certificat d’Études Élémentaires (CEE) dans le système éducatif guinéen, plusieurs voix du secteur éducatif s’élèvent pour en questionner les implications. Parmi elles, celle de Cheick Soumah, acteur éducatif bien connu, qui tire la sonnette d’alarme sur les conséquences d’une telle décision.
Selon les autorités, cette suppression s’inscrit dans une logique de rationalisation budgétaire, le secteur éducatif absorbant près de 45 % du budget national. En outre, le CEE est jugé par certains comme étant peu pertinent dans l’évolution scolaire des apprenants. Mais pour Cheick Soumah, cette approche purement économique ne saurait justifier une décision aussi stratégique.
« Le système éducatif, c’est l’ensemble des voies et moyens mis en place par un gouvernement pour obtenir un résultat escompté », rappelle-t-il. « Et ce système repose sur une méthode qui doit répondre à l’actualité du pays. Or, en Guinée, cette actualité est souvent dominée par les examens. On parle trop des examens, alors que l’éducation est un processus global. »
Pour ce professeur de Philosophie, les examens jouent un rôle clé dans le contrôle du système éducatif, notamment pour évaluer le niveau réel des élèves et compenser le manque de supervision directe de l'État dans toutes les écoles du pays.
« Examiner, c’est vérifier. Vérifier quoi ? Le niveau de chaque élève », explique-t-il. « Sans examen, comment l’État peut-il connaître la valeur des acquis scolaires à travers le territoire ? L’organisation des examens est une nécessité pour le suivi éducatif. »
Il va plus loin en estimant que l’évaluation devrait même commencer dès la petite enfance. Selon lui, les enfants devraient être évalués dès la maternelle, afin de mesurer leur progression et leur niveau avant d’entamer le cycle primaire. Cette culture de l’évaluation continue, dit-il, permettrait non seulement de renforcer la qualité de l’enseignement, mais aussi de responsabiliser les élèves dès le bas âge.
« Si c’est une question d’économie, il faut rappeler que les deux ministères les plus essentiels pour une nation sont l’éducation et la santé. C’est là qu’il faut investir en priorité. »
Quant à l’argument de la faible valeur du CEE, il le réfute en soulignant l’utilité de l’examen comme repère et baromètre du niveau général des élèves, surtout dans un contexte où les difficultés d’apprentissage sont de plus en plus visibles.
« Même avec l’examen d’entrée en 7e année, nous constatons la faiblesse du niveau scolaire. Si on le supprime, ce sera un laisser-aller généralisé. Il faut se rappeler que l’élève guinéen apprend souvent en fonction de l’examen. Supprimer ce repère, c’est affaiblir davantage le système », alerte t-il.
Cheick Soumah plaide pour le renforcement des mécanismes d’évaluation tout au long du parcours scolaire, y compris entre la 1re et la 3e année, afin d’avoir une idée précise des progrès ou lacunes à chaque étape du cursus. Il estime que les apprenants doivent être évalué normalement après chaque 3 ans pour être mieux éclairés sur leur niveau de formation.
À l’heure où le gouvernement promet une refondation du système éducatif, cette prise de position relance le débat sur l’équilibre entre rigueur pédagogique, contraintes budgétaires et ambitions nationales. Une chose est sûre, pour des acteurs comme Cheick Soumah, toute réforme doit se faire avec prudence, concertation et une vision à long terme.
Alseny Dine CAMARA
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