Très cher Ousmane, J’espère que vous vous portez bien et que vous savourez pleinement les privilèges éphémères du pouvoir. Après quelques jours de réflexion, j’ai décidé de vous adresser cette note, non pas par les canaux habituels, mais en place publique. Car je crois que certains gagneront à la lire et que, peut-être, ces lignes resteront dans l’histoire politique de notre pays.
Ousmane, je fais partie des tout premiers jeunes qui vous ont soutenu, qui ont porté votre image partout, surtout sur les réseaux sociaux. Vous vous souvenez ? Quand je vous ai connu, vous n’aviez même pas cinq mille abonnés sur Facebook. Nous avons longuement échangé dans le virtuel avant de nous rencontrer, en 2015, au congrès de l’UFDG au Palais du Peuple.
Entre 2015 et 2020, nous avons partagé beaucoup : des moments forts, des désaccords, des sacrifices, mais aussi de vraies convictions. Je ne peux pas tout raconter ici, mais les raisons qui m’ont poussé à m’éloigner de vous sont profondes. La plus importante : vous manquez cruellement de la qualité essentielle d’un vrai leader politique — l’écoute. Vous êtes sourd aux avis divergents et allergique aux critiques, même les plus constructives. Pendant tout le temps de notre collaboration, j’étais souvent le premier à vous appeler après vos passages dans les différentes radios. Je vous félicitais sincèrement, mais je vous faisais aussi part de mes remarques, espérant ouvrir un débat, vous faire réfléchir, vous inviter à ajuster certaines positions.
Malheureusement, ce que vous ne compreniez pas, vous l’écartiez d’emblée.J’ai également été choqué d’apprendre, par des amis communs, que vous faisiez croire que j’avais pris mes distances à cause d’une histoire de téléphone que je vous aurais demandé et que vous n’aviez pas acheté. C’est faux, et vous le savez. Ce mensonge est ridicule et déshonorant. Je ne suis pas un opportuniste. D’ailleurs, pendant toutes les années passées à vos côtés, je ne vous ai jamais rien demandé, même pas un simple transport, alors que j’étais encore étudiant.
Quand vous avez rejoint le gouvernement du CNRD et appelé les jeunes de l’UFDG à vous accompagner, j’ai soutenu cette démarche. J’y ai vu une rupture nécessaire, car je n’appréciais plus la manière dont l’UFDG menait la politique. J’étais convaincu que nous ne devions pas répéter l’erreur de 2010 : rester en marge de la transition et laisser la place à d’autres. C’est ce qui m’a poussé à vous suivre de nouveau. Mais j’ai vite compris que vos discours étaient loin de vos actes. J’ai préféré me retirer. Aujourd’hui, l’histoire me donne raison. Sous le CNRD, nous assistons à des dérives inédites : fermeture des médias, enlèvements d’opposants, instrumentalisation de la justice… C’est devenu une méthode de gouvernance, et vous en êtes désormais l’un des visages. Je vous invite à la prudence. Le pouvoir est toujours passager, surtout celui arraché par un coup d’État.
Mon attachement à vous était sincère, malgré ma déception. Je n’aimerais pas vous voir figurer un jour parmi ceux qui auront trahi ce pays. Mais sachez-le : si demain je me retrouve en position d’appliquer la loi contre vous, je le ferai sans la moindre pitié. Je ne pense pas que ce soit intelligent de votre part de vous battre seul pour des gens qui, en réalité, ne pensent qu’à leurs intérêts. Ils vous soutiendront tant que vous servirez leurs affaires. Mais quand viendra le temps des comptes, vous serez seul face aux conséquences.
Vous avez marqué votre époque, c’est vrai. Mais pensez à l’avenir de vos enfants.Notre pays a une longue histoire de gouvernants qui se sont toujours permis de violenter les populations civiles. Mais cette fois, croyez-moi, cela ne restera pas impuni.Vous manipulez la justice comme bon vous semble, mais vous n’êtes pas responsable de la médiocrité de certains magistrats corrompus, qui bafouent leur serment chaque jour. D’ailleurs, Alpha Condé, avant vous, a usé des mêmes méthodes.
Très cher Ousmane, je m’arrête là. Je voulais simplement mettre ces quelques vérités à votre disposition.
J’espère que vous lirez cette lettre, ici ou ailleurs, dans les couloirs, dans les briefings, ou sur les réseaux.
Merci.
À bientôt.