Il y a des rendez-vous qui, par leur discrétion, révèlent pourtant l’essentiel. La seconde édition du Forum Dialogue Citoyen, tenue récemment à Conakry, en fait partie. Non pas tant pour les discours ou les hommages rendus, mais pour ce qu’elle a incarné : une volonté calme mais résolue de construire autrement.
Dans une Guinée encore travaillée par ses contradictions, ses incertitudes institutionnelles, et ses fatigues sociales, le mot "dialogue" peut paraître usé, parfois même vidé de son sens. Et pourtant, c’est bien là que réside l’enjeu : redonner à cette parole partagée sa densité, sa rigueur, sa portée collective. Il ne s’agit pas de bavarder pour apaiser, mais de parler pour construire.
La démocratie n’est pas un évènement, mais un apprentissage, lent, fragile, souvent ingrat. Elle ne se décrète pas par des textes, elle se cultive dans les habitudes, les gestes civiques, la capacité d’écoute et surtout dans l’acceptation sincère de la pluralité. Or, qu’est-ce que le dialogue, sinon cet effort patient d’habiter ensemble une vérité qui ne sera jamais unique, mais commune ?
Dans ce cheminement exigeant, le rôle du Dr Sékou Koureissy Condé mérite d’être souligné. Non pour flatter l’homme, mais pour reconnaître la constance de son engagement. Il est de ceux qui ont compris que dans un pays au passé tourmenté, la modération n’est pas faiblesse, mais bravoure. Il n’a jamais brandi la peur pour gouverner les consciences, ni jeté l’anathème pour conquérir l’adhésion. Il a préféré les voies lentes du consensus, les dynamiques discrètes de la parole partagée, l’écoute des silencieux.
Son regard sur la Guinée est nourri d’une connaissance profonde de ses douleurs comme de ses espoirs. Et son action actuelle, notamment à travers ce Forum, s’enracine dans une conviction simple : la paix ne s’impose pas, elle se fabrique avec tous, femmes, jeunes, politiques, acteurs communautaires.
En mettant à l'honneur le leadership féminin, il n'a pas seulement salué une catégorie. Il a reconnu une force longtemps contenue, une énergie sociale capable d’insuffler au tissu national ce supplément d’âme dont il a cruellement besoin. Car la démocratie ne pourra être féconde que si elle devient aussi l’affaire des femmes, des périphéries, des oubliés.
Le Forum Dialogue Citoyen ne prétend pas tout résoudre. Il n’apporte pas de miracle. Mais il pose les pierres modestes d’une architecture invisible : celle de la confiance. Et dans les temps que nous traversons, cela vaut peut-être plus que n’importe quelle déclaration solennelle.
Il appartient désormais à chacun d’en saisir la portée : le dialogue n’est pas un luxe réservé aux crises, c’est la respiration naturelle de toute société qui se veut libre et juste. Encore faut-il, comme le Dr Condé, croire assez en son peuple pour y investir temps, intelligence et humilité.
Ousmane Touré